Le félin était tapi dans l'ombre, pensant à voix haute. Ou plutôt, comptant à voix haute. Il triait, rangeait, répertoriait et passait à la prochaine. Le stock était au complet. Malheureusement, avec la saison froide qui approchait, il serait de plus en plus dur de le refaire, et notamment, de trouver de l'herbe à chat pour guérir le mal vert. Ce fichu mal vert. Celui qui, en pleine nuit, vous vole ce que vous avez de plus cher. Jouant avec ses proies, tel un guerrier avec de vulgaires rongeurs. Sans un bruit. Sans vous laisser une chance. Juste avec cette odeur pestilentielle qui rode sans cesse autour de vous, l'air de dire : « Tu vois, tu voulais le sauver, mais j'ai gagné ! »

« - Voilà. Le compte est bon » marmonna le chat du fond de sa tanière, tout en replaçant les plantes qu'il classait à leur place.

Il alla ensuite vers le fond de son antre et, après avoir regardé si personne n'entrait, vérifia que ses baies rouges, mortelles, étaient toujours à leur place dans une petite niche creusée par l'érosion dans un bout du mur de pierre. Il pouvait toujours en avoir besoin, que ce soit pour mettre fin aux souffrance d'un ancien incurable ou, tout simplement, se défendre contre un éventuel ennemi. Elles y étaient. Il remplaça la feuilles sur laquelle elles étaient posées par une autre plus fraîche, et entreprit de s'assurer que ses réserves de mousses pour les convalescents étaient pleines. Malencontreusement, les plus vieilles boules de lichen ayant pourri, toute la réserve était contaminée. * Crotte de souris ! Et qu'est-ce que font ces incapables d'apprentis lorsque je leur demande de ma ramener de la mousse ?! *Tout en pestant après les novice, le matou se dirigeait vers la sortie de la grotte afin de partir ramasser des boules de mousse fraîche, lorsqu'il failli percuter de plein fouet son meneur qui entrait à l'instant :

« - Tornade Eternelle ? »appela ce dernier d'une voix décontractée et posée.

L'appelé soupira lentement et, donnant un coup de museau à son chef et guise de salut, répondit avec une pointe d'impatience dans la voix :

« - Je suis là. Je ne t'avais pas entendu entrer... »

Il marqua une pose, avalant avec amertume la bile qui lui montait à le gorge tout en pensant *Et comment l'aurais-je pu de toute façon. Il n'arrivait pas du bon côté... * Il pencha la tête légèrement, signe qu'il faisait souvent lorsqu'il avait une interrogation et miaula :

« - Et que me vaut l'honneur de ta visite, Etoile de Givre ? »

En règle générale, quand son chef venait le voir, c'était soit parce qu'il avait fait un rêve, soit parce qu'il y avait un blessé au camp. Tornade Eternelle était droit comme un i et le seul signe de sa hâte résidait dans les battements rapides et réguliers du bout de sa queue...