Facéties a un charme assez particulier. Son pelage est mi-long, dans les teintes brunes grisâtres, lieu des rencontres insolites de multiples tâches et rayures. Son poitrail, son ventre, son museau et le bout de ses pattes sont blancs, mais bien rarement immaculés. Et oui, contrairement à la plupart des reines, la meneuse grise ne prend pas grand soin de son poil. En permanence ébouriffé, les pointes sales et fourchues, parfois même couvert d’un fin voile de poussière, cela lui vaut les regards dédaigneux et exaspérés des femelles dominantes, qui sont sûrement les seules à ne pas se faire remonter les bretelles par ce petit bout de guerrière. Car oui, et malgré son poste important, Facéties n’arrive souvent qu’aux épaules de ses propres chasseurs. Petite taille qu’elle compense très bien par une vitesse impressionnante, une agilité non moins phénoménale et un caractère encore plus explosif. Mais nous n’en sommes pas encore à là. Pas vraiment féminine, la chatte tigrée n’en garde pas moins une démarche gracieuse et une pose élégante. Ses pattes sont longues par rapport au reste de son corps, musclées, ses griffes, souvent sorties, sont malgré leur usure apparente des lames redoutables. Sa corpulence est moyenne, sa queue longue et en panache, ce qui lui procure un excellent équilibre. Sa tête, plutôt longiligne, est surmontée d’une paire d’oreilles de taille raisonnable, munies au bout de deux fins pinceaux. Ses traits sont fins, assez bien dessinés, bien que son expression soit souvent tendue ou grimaçante. Ses yeux sont grands, gris avec des petits reflets beiges, presque blancs. Quant à son regard en lui-même, il est vif, violent mais à la fois chaleureux , avec cette petite étincelle rieuse qui nous force à nous plonger dans les profondeurs de ce complexe personnage, à réfléchir, à se questionner, et à l’aimer …

Si je devais qualifier Facéties d'un seul et unique mot, je dirais simplement : explosive. Cette chatte est une vraie bombe, une tonne entière de dynamite, terriblement susceptible et réputée être à court de patience. Très vive, parfois nerveuse, on pourrait la penser hyper-active, ce qui est d'ailleurs sûrement le cas. Elle parle vite, fort, exige toujours une réponse dans les plus courts délais et n'hésite pas à cracher sur ceux qui auraient échoué à une mission qu'elle leur aurait confié. Exigeante, stricte, elle donne d'elle l'image d'une meneuse forte, ferme et sûre d'elle. Ce qui d'ailleurs, il faut le dire, est tout à fait vrai. Sa loyauté est infaillible, et sa solidarité et son "patriotisme" envers le Vent ne le sont pas moins. Mais malheureusement, cette force brusque de caractère et cet amour farouche envers son Clan ont -bien évidement- leurs désavantages. Si avec les chats des Landes elle se contente d'être sévère, cela devient quasi-insupportable avec les étrangers. Bourrue, pas dix minutes ne se passent sans qu'elle ne se braque durant une Assemblée et se referme complétement sur elle-même, ne montrant aux autres meneurs qu'un œil froid, violent et dégoûté. Extrêmement territoriale, elle n'hésiterait pas à éventrer un apprenti ennemi si celui-ci osait juste mettre une patte sur les terres du Vent.

Pourtant, comme pour tous les êtres sur Terre, elle a cet immense côté doux, ce grand cœur qui prend facilement le dessus sur son apparente carcasse de fermeté et de brutalité. Elle adore les chatons, et cela semble réciproque. Et, bien malgré toutes ses railleries, son humour noir et ses œillades meurtrières, chaque membres de son Clan, du plus petit au plus grand, de l'apprenti surexcité à l'ancien ronchon, tous sentent cet amour unique, cette passion chaleureuse et maternelle qu'elle leur voue à eux, sa famille, ses amis. Son Clan.

L'histoire de Facéties n'est pas particulièrement incroyable ou prenante. Comme bien d'autres chatons, elle naquit au début du printemps, fille d'un guerrier ordinaire et d'une reine tout aussi ordinaire. Sa portée était constituée de trois chatons, en comptant elle et ses deux sœurs. Petite Abeille, la ronde ; Petite Poésie, la jolie ; et enfin, elle-même, Petites Facéties, la leader. Rapidement, le trio infernal prit la tête de la pouponnière sous le regard amusé des reines et des guerriers, tantôt grondant, tantôt félicitant les trois petites chatonnes, qui avaient chacune leur caractère bien défini. Ainsi, Petite Abeille était la bourrue, avide de batailles et de bêtises ; Petite Poésie l'aigre-douce, la petite peste qui savait si bien faire les yeux doux aux adultes. Quant à Petites Facéties, s'était la cheffe, la meneuse du lot, celle qui préparait les opérations et répondait au nom des trois lorsqu'un apprenti se réveillait couvert de tiques ou qu'un ancien râlait car quelqu'un avait trempé sa couche. Elles n'étaient pas particulièrement appréciées par les autres petits, jaloux, mais elles s'aimaient et, non rien, rien de rien n'aurait pu les séparer. En tout cas à ce moment la.

A l'âge de six mois, comme bien d'autres, les trois sœurs passèrent apprenties ; Petite Abeille devint Nuage d'Abeilles, Petite Poésie Nuage de Poésie et Petites Facéties Nuage des Facéties. Nuage d'Abeilles eut comme mentor un certain Poil d'Ours, un gros mâle brun aux yeux jaunes et rieurs. Les deux s'entendaient à merveille. Nuage de Poésie, elle, devint la novice d'une toute jeune guerrière, Lames de Coton, une chatte grise tigrée haute sur pattes. La mentorette se découvrit une double à la hauteur de son beau visage narquois. Nuage des Facéties, elle, eut moins de chance. Peut être le chef avait-il voulu calmer son ambition grandissante, ou alors fit-il simplement un mauvais choix ; le tout est que la fière femelle se retrouva face à un chat qui lui était aussi opposé que l'étaient l'eau et le feu. Ledit matou se nommait Cœur des Ouragans, un immense vétéran gris-brun, borgne et dont l'unique œil bleu brûlait d'une flamme mauvaise. Lorsqu'il ne critiquait pas ses positions de chasse ou ne lui faisait pas faire des entrainements éreintants au combat, il passait son temps à injurier le Clan et tous ses membres, et à grogner à quel point il aurait voulu quitter cette Tribu de lâches et de faux-culs. Bien évidement, Facéties ne le supportait pas et s'était bel et bien réciproque. Mais grâce à la sévérité et la dureté de cet entrainement jonché de souffrances et de haine retenue, la petite apprentie grandit et mûrit, et apprit du vieux ronchon à exploiter les faiblesses d'autrui et à cacher les siennes.

Ses efforts finirent par payer et elle put enfin s'émanciper de son mentor tyrannique et devenir guerrière. Son baptême eut lieu en même temps que celui de ses deux sœurs, dont elle était devenue relativement moins proche, en particulier de Nuage de Poésie. Nuage d'Abeilles devint Nectar de Miel, Nuage de Poésie Larme de Poésie et Nuage des Facéties Rire des Facéties. Une énième dispute entre Larme de Poésie et Rire des Facéties fit se séparer le trio. Nectar de Miel, dont Poil d'Ours était devenu le compagnon, tomba rapidement enceinte et rejoint la pouponnière. Larme de Poésie continua de collectionner les aventures sans se soucier de personne. Il ne restait plus que Facéties, qui, se sentant terriblement trahie et seule, décida de se lancer dans la vie politique. Elle devint lieutenante, puis, à la mort de l'ancien chef, meneuse sous le nom d'Étoile des Facéties. Elle vu sous ses yeux se dérouler la sanglante guerre Ombre-Tonnerre, ses guerriers mourir de maladies, de faim, percutés par des monstres, attaqués par des patrouilles ennemies. Cela a forgé son caractère, lui donnant une partie de sa grande force. Parfois, il lui arrive de songer aux discours grossiers de son ancien mentor, mort alors qu'elle venait de passer lieutenante. De se questionner sur ce qu'aurait été la vie si elle l'avait écouté. Et si ...