Le temps était clément, ce matin là. Le soleil réchauffait lentement les proies et les plantes, tandis que je me réveillai dans ma tanière. Depuis la mort de mon mentor, la tanière semblait extrêmement vide. Voir même un peu trop. J’avais hérité de la tanière sombre et aux odeurs extrêmement fortes. Pas un endroit charmant pour se faire des amis, il fallait l’accorder. Je n’avais pas non plus le droit d’avoir un compagnon pour réchauffer ma fourrure pendant les longues nuits d’hiver qui allaient arriver. Et pourtant, seule, dans cette grotte presque désaffectée où seul un mourant aurait eu l’envie de venir y faire un tour, je me sentais bien. Les bruits de la nature me réveillaient chaque matin ; le soleil ne pouvaient pas entrer dans la tanière. J’avais souvent pensé à retirer une pierre ou deux dans « l’arrière boutique » comme j’aimais à l’appeler. C’était une petite fissure dans le mur de pierre où je me faufilais pour rejoindre ma couche. Trop sombre.

Tous les matins étaient routiniers. Je me levais, m’étirais, sortais prendre l’air quelques minutes sur le porche de ma maisonnette, et si le soleil se pointait ou que l’envie me prenait de sortir, je m’élançais vers la sortie du Clan. Bien entendu, aucune de mes sorties n’étaient réellement faites par envie. Il fallait toujours que je me mette en quête d’une plante ou d’un remède pour les membres de mon Clan. Je n’avais pas le droit de flemmarder. Surtout que pendant mes absences, je laissais un peu mon Clan sans protection, et j’avais horreur de ça. Je n’aimais pas savoir que si un problème arrivait et que je n’étais pas là au bon moment, une vie pouvait être arrachée par ma faute.
Je secouai ma tête, essayant de chasser ces horribles pensées de ma caboche. Pour le moment j’étais hors de mon territoire, et ruminer des sombres idées ne pouvaient rien faire pour arranger les choses.
J’étais en territoire neutres, près des Quatre Erables, une pousse de clou de girofle entre mes crocs, et je marchais en direction de mon Clan. J’aurais certainement pu repérer l’odeur du félin ennemi, si mon odorat n’avait pas été supprimé par l’odeur tenace des clous que je portais. Je tournai autour d’un érable, cherchant piteusement mon chemin, incapable de me repérer avec ces choses qui commençaient à me faire éternuer, lorsque je me retrouvai devant le félin que je n’avais pas pu repérer quelques instants plus tôt. J’en lâchai mes récoltes de stupéfaction. Comment avais-je pu être si négligeant ? Je détestais rencontrer des autres membres de Clan. J’avais la trouille qu’il m’arrive quelque chose de malheureux, et que mon Clan ne puisse pas retrouver un guérisseur. Oui, j’étais réellement attachée à mon Clan.

Ne sachant qu’elle position adopter avec ce chat du Clan de l’Ombre – maintenant je pouvais reconnaître l’odeur, vu que mon nez était dégagé. Ils étaient réputés pour en pas faire des choses catholiques, si je puis dire. Je pris une inspiration, et me dis que ce n’était que des rumeurs. J’avais déjà rencontré des chats de l’Ombre extrêmement charmants. Je devais arrêter de me fier aux « on dit » qui servaient plus à classer les gens plus qu’à les aider. « - Bonjour ! lançai-ja gaiement. » Maintenant rassurée, j’étais presque heureuse d’être tombée sur quelqu’un, histoire de me tenir un peu compagnie.

Le mâle ne laissa rien transparaître quant à son avis sur mes salutations envers son chef. Je ne fis aucun commentaire, mais trop tard, ma curiosité était déjà piquée au vif. Que pensait Plume Sauvage d’Etoile des Fourberies ? Je ne croyais pas aux clichés déjà préconçus comme quoi ils étaient tous sanguinaires et sans âme – la preuve vivante en était devant moi, Plume Sauvage semblait être un guerrier extrêmement loyal, généreux et courageux – mais pour le coup, Etoile des Fourberies de pouvait que me faire penser au prototype d’une ombre. Peut-être que le Clan des Etoiles avait tout de même foi en ses qualités, et qu’il faisait un meneur extrêmement intelligent. Pour ce qui était du Clan des Etoiles, je n’étais pas persuadée qu’ils faisaient toujours des bons choix, mais j’étais certaine que la plupart étaient bons. Peut-être que la finalité m’échappait encore, mais je ne pouvais que penser comme ce clan des chats défunts.

Plume Sauvage, heureusement, ne pris pas mon offre d’aide comme une insulte, et accueillit avec humilité mon soutien. Il m’expliqua rapidement que le Clan de l’Ombre était en excellente forme, et que les guerriers étaient prometteurs, pour reprendre ses mots. J’étais certaine que le Lieutenant ne me disait pas ça pour prouver que son Clan était le plus fort. Pour appuyer mes pensées, il ajouta que NomDuFuturGuérisseurDeL'Ombre n’avait pas encore trouvé d’apprenti. Je fronçai les sourcils. Je n’aimais pas beaucoup ce genre de nouvelles. Je n’avais jamais été pour les guerres entre félins, et je compatissais facilement pour les problèmes claniques, autre que les miens. Puis, Plume Sauvage me dit qu’un chaton semblait apte à devenir apprenti guérisseur. Je hochai la tête en signe de contentement. Avoir un apprenti guérisseur était vraiment une belle promesse de futur. Ne pas en avoir pouvait être perçu comme une prédiction funeste. Personnellement, vu mon âge, je n’avais pas été très heureuse de savoir qu’une certaine Nuage d’Amour allait devenir ma colocataire pendant de longues lunes. Malgré mon entêtement à vouloir une vie sociale, partager des remèdes et une tanière avec un apprenti qui ne serait pas à la hauteur me faisait souvent peur. Et si, au contraire, c’était moi qui ne faisait pas le poids ? Et s’il m’arrivait quelque chose avant d’avoir achevé la formation de cette étoile qui brillerait un jour dans le ciel ? Il fallait que je me rende à la Pierre Bleue rapidement, car cela faisait longtemps que je n’avais plus discuté avec nos ancêtres.
Je repris mon écoute attentive des propos du félin, mes oreilles penchées vers lui. Il m’assura qu’aucune perte n’avait été signalée dans son Clan. C’était une merveilleuse nouvelle. « - Ce sont d’excellentes nouvelles que j’entends là. Je ne désespérerais pas si j’étais vous, pour cette histoire d’apprenti. Il vaut mieux trouver la bonne personne après plusieurs mois de recherche, que de prendre le premier qui passe sous la patte et qui ne tiendrait pas le coup. Et puis, NomDuFuturGuérisseurDeL'Ombre n’est pas si vient que cela, il a encore une longue vie devant lui. C’est ce que je peux lui souhaiter de plus cher. » Je marquai une pause, réfléchissant à ce que je pouvais lui dire sur notre Clan. « - Le Mal Vert ne s’est pas plus propagé chez vous que chez nous. Les chatons sont rares, le Clan des Etoiles soit loué. En d’autres circonstances, j’aurais certainement juré le contraire, mais tant que le Mal Vert court dans les bois, je préfère ne pas avoir la mort de chatons sur la conscience. » Oui. Je détestais devoir abandonner des chatons à une mort certaine. Tout comme les apprentis. Les anciens avaient déjà eu une belle vie, les abandonner entre les griffes du Clan des Etoiles n’était certes pas chose facile, mais c’était encore les êtres que je rendais le plus volontiers. Les guerriers, je n’osais même pas en parler. Savoir qu’une reine laissait des chatons derrière elle, je n’arrivais pas non plus à le supporter. Et lorsque c’était une étoile qui perdait sa vie, je crois que c’était encore pire, bien qu’elle disposât de plusieurs vies encore bien fraîches en réserve. « - Le temps est clément, les proies abondent encore. La rivière commence doucement à geler, mais l’eau coule toujours. Peu de chats fréquentent ma tanière, et c’est tant mieux. Je suis contente de pouvoir échanger d’aussi bonnes nouvelles. De plus, Etoile d’Anthémis vient d’être fraîchement nommée, c’est encouragent de savoir que du sang neuf coule dans les veines du Clan de la Rivière. » Je lui souris amicalement.